Attention, cette étape risque d'en laisser beaucoup sur le carreau. Courage !
M'enfin ne vous inquiétez pas tout de suite, je suis là pour vous aider. Commençons par le désormais traditionnel...
... profil de l’étape.
Départ : Puno
Arrivée : Cuzco
Durée : 6 jours
Calendrier : du 16 au 21 décembre 2007
Caractéristiques : sacré et secrets pour chasseurs de trésors et archéologues
Ne pas oublier : réserver pour le trek du Chemin de l’Inca
Notre contact initial avec le Pérou ne laissera pas de souvenirs impérissables. Puno est surtout la ville à partir de laquelle on embarque pour les îles flottantes (nous sommes toujours sur les rives du lac Titicaca). Nous laissons cependant cette occasion de côté, de peur de nous répéter après l’Isla del sol… Il faut bien faire des choix.
Nous séjournons quelques heures à Puno, qui nous sert de ville-étape le temps d’une nuitée. La grisaille et la tristesse de la ville ne nous encouragent pas y rester, de toute façon.
Ceci dit, nous voyons déjà clairement que nous foulons un autre pays. Non contents de découvrir les billets et les pièces de monnaie péruviens (la monnaie est le Sol, évidemment), nous constatons aussi que le nombre de distributeurs automatiques est multiplié par dix. Le coût de la vie est aussi deux fois plus élevé qu’en Bolivie et équivaut à peu près à celui de l’Argentine.
Une grande rue centrale piétonne concentre de nombreux restaurants et boîtes. Dès la nuit tombée, le touriste ne sait plus ou donner de la tête, agressé de parts et d’autres par des péruviens l’incitant à passer la soirée à la meilleur table ou sur le meilleur dancefloor de la ville.
Comme le Pérou a souvent la maladie de Parkinson, de nombreuses pancartes fixées aux murs informent que tel endroit est protégé contre les risques sismiques. De plus, il est à peu près partout indiqué le nombre maximal de personnes autorisées à l’intérieur d’un hôtel, bar, restaurant, magasin, etc.
Nous partons le lendemain midi. Objectif Cuzco, ville mythique, capitale culturelle du Pérou et de l’empire inca. La frontière entre les faits réels et les mythes y paraît bien floue, et accentue la légende qui pèse sur ce lieu.
La nuit a enveloppé la cité lorsque le bus nous y dépose après 6 heures de voyage. La pluie nous contraint à ne pas traîner, et un taxi nous emmène à l’hôtel pour y rejoindre nos amis Romain et Aurore, dans le centre historique de la ville. L’eau en abondance dévale dans les petites rues pavées pentues. La voiture finit par ne plus pouvoir avancer, ce qui nous oblige à parcourir les quelques dizaines de mètres restants à pieds.
Retrouvailles sympathiques avec nos potes français le temps d’une soirée, avant qu’ils ne repartent le lendemain matin.
Nous échangeons déjà quelques souvenirs de voyage. Au rythme des cuillerées d’une sopa de pollo (soupe au poulet), ils nous parlent de Lima, nous leurs racontons le salar d’Uyuni… La truite de Copacabana me manque tellement que je craque pour une nouvelle trucha al limon (truite au citron). Mais c’est deux fois plus cher et le charme opère beaucoup moins.
Dehors, il pleut. Pas un chat sur la plaza de Armas (« place des armes », le nom de la place centrale de chaque ville du pays).
Bien décidés à nous poser un peu, nous passons 5 jours à Cuzco, avant de nous lancer pour le gros trek du Chemin de l’Inca devant nous mener au Machu Picchu.
A notre grand regret, Cyp nous quitte le 2ème jour afin de monter vers Lima, la capitale péruvienne. Mais que ses nombreux fans se rassurent, nous le retrouverons un peu plus tard durant le voyage. Malgré notre tristesse inconsolable, effondrés par le départ de notre compagnon (un peu de tragédie, que diable !), Raph et moi continuons de découvrir une ville pleine de charme et de sympathie. Ici, on s’installerait sans problème pour davantage de temps.
Au cœur d’une civilisation perdue, Cuzco mélange les fondements incas (on raconte qu’elle fut fondée au XIIème siècle par le premier Inca du nom, Manco Capac) et les splendeurs coloniales (suite à l’arrivée des conquistadors durant la première moitié du XVIème siècle, qui ont profité de la guerre civile inca).
Dans le centre historique, les rues sont souvent étroites, et les murs de pierre ancestraux résistent à tous les tremblements de terre. Le quartier fascine. Les allées sont parcourues d’Indiens parlant autant l’espagnol que le Quechua, un dialectique traditionnel de la cordillère des Andes (les visages pâles ne représentent que 15% de la population). La musique traditionnelle -flûte de pan, bombo (percussion) et charango (une sorte de guitare)- résonne un peu partout.
Le quartier le plus touristique et historiquement le plus intéressant se situe autour de la Place des Armes, qui constitue le cœur de la ville. Si on y trouve la très grosse majorité des boîtes et restaurants accueillant chaque soir un flot impressionnant de gringos, son intérêt est peut-être avant tout dans l’impact historique qui s’y dessine, des arcades coloniales à la cathédrale, en passant par l’église de la Compañia. Au centre de la place, les Péruviens se posent et passent tranquillement le temps assis sur un banc.
Le Cuzco plus populaire que l’on découvre quelques cuadras plus loin (un cuadra = un bloc de 100 mètres) ne déçoit pas non plus. A l’occasion de quelques promenades, nous nous mêlons à la population locale le temps d’un repas dans une gargote. Pour environ 5 Soles (soit un peu plus d’un Euro), nous avons droit à une soupe (souvent au poulet) et à un plat de résistance à base de riz ou de pommes de terre. Rappelons d’ailleurs que le Pérou est LE pays de la pomme de terre et que l’on en trouve de nombreuses variétés (un modèle à suivre pour certains pays actuellement en retard de développement ?). Accrochée au mur, la télévision diffuse des « clips » de musique traditionnelle où des groupes folkloriques dansent sur les Places d’Armes des villages voisins. L’occasion pour les Péruviens qui ne voyagent pas beaucoup de mettre un visage sur les noms qu’ils entendent souvent.
Des débris de bouteilles pour protéger des voleurs
Hommage aussi aux nombreux toutous incas qui parcourent les rues.
Nos pérégrinations nous mènent au marché de Noël, où les stands s’alignent dans les rues. Les guirlandes électriques se mélangent aux figures de Jésus-Marie-Joseph, sans oublier le fameux Tyrannosaure-Rex que l’on ne manquera pas de placer derrière le petit Jésus pour créer un peu de suspens quant à sa survie (qu’importent les anachronismes !). Le mouton en porcelaine est aussi très présent et ajoute une touche d’exotisme -y’en a marre des lamas. Au niveau bouffe, oubliez nos traditionnelles coquetteries culinaires. Si la viande de lama ou celle de cochon atterrira probablement dans de nombreuses assiettes le soir du réveillon, les étalages regorgent de grosses brioches aromatisées aux pépites de chocolat. Sinon, évidemment, on trouve peu de vrais sapins -la forêt jurassienne est un peu loin- mais les Péruviens sont par contre spécialistes des guirlandes musicales qui produisent une petite mélodie de Noël très aiguë et entêtante. Pour nous Européens c’est rapidement insupportable (surtout lorsque les mélodies se mélangent entre elles) tandis qu’au contraire, eux semblent y accorder une moindre importance.
Notre ascension sur les hauteurs n’est pas sans rappeler La Paz, bien qu’ici, ce soit davantage à taille humaine.
En redescendant la colline, certains contrastes nous sautent aux yeux.
Ainsi, nous traversons des zones pauvres où il ne fait pas forcément bon s’attarder, aux maisons à peine terminées et aux chiens menaçants, pour tomber directement sur un quartier de classes aisées, avec grosses voitures et résidences sécurisées. Tandis qu’à La Paz les riches se cloisonnent loin des gens de peu (cf. étape 5), ici ils leurs font face. La peur et la fuite dans un cas, une simple ignorance dans l’autre : deux façons de gérer et de vivre les inégalités sociales.
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Pour terminer, petit aparté BD. En tant que tintinophile de la première heure, je n’ai pu m’empêcher de tisser des liens entre les albums de Tintin et ce que j’ai vu pendant ce voyage. Quelques pistes de réflexions, qui n’excluent pas que je puisse avoir tort pour certaines interprétations ^^
A propos de Tintin et le Temple du Soleil tout d’abord. C’est dans la région de Cuzco qu’on trouve ce fameux temple. Il faut ceci dit savoir que le Temple du Soleil n’a de celui d’Hergé que le nom, et que ce dernier n’a jamais mis les pieds en Amérique latine.
A noter aussi, au début du même album : la mésaventure dans la Cordillère des Andes lorsque le wagon se détache et que Tintin est obligé de sauter du haut d’un viaduc semble inspirée à la fois du Tren de las Nubles (Train des Nuages) au nord de l’Argentine pour les paysages, et du train péruvien pour l’apparence des wagons, en bleu (normal après tout, cela est censé se passer au Pérou).
Par ailleurs, notons que cet album commence à Callao, le port de Lima sur la côte pacifique du Pérou. Et non loin de Lima, on trouve le site archéologique de Pachacamac. Le nom du Dieu péruvien créateur des peuples qui a dû inspirer à Hergé le nom du bateau dans lequel est détenu le professeur Tournesol dans le diptyque Les 7 Boules de Cristal / Le Temple du Soleil.
De plus, la jungle sud-américaine où nous mettrons les pieds dans quelques étapes est le décor de deux autres albums : Tintin et les Picaros et L’Oreille Cassée. Le fétiche Arumbaya m’a d’ailleurs paru « étonnement » inspiré des fétiches que l’on trouve au musée d’art pré-colombien de Cuzco.
A la différence du Temple du Soleil, Hergé préfère dans les deux albums cités précédemment inventer des noms de pays (cf. la République du San Teodoros), sorte de mélange entre la Colombie, le Pérou ou encore le Brésil. On peut penser que tout comme il le fait avec la Syldavie pour symboliser les pays d’Europe de l’est, Hergé souhaite ainsi que le divertissement prenne le dessus sur un engagement malgré tout présent. En effet, L’Oreille Cassée et Tintin et les Picaros restent très pertinents de par le questionnement qu’ils suscitent sur la rencontre des cultures (cf. le musée anthropologique de L’Oreille Cassée, par exemple) et par le portrait qui nous est donné indirectement de la réalité (du trafic de drogue aux tribus d’Amazonie, du carnaval de « Tapiocapolis » à l’instabilité politique des pays, sans oublier les bidonvilles aperçus dans la dernière vignette de Tintin et les Picaros). Ce n’est pas le sujet, mais il y aurait beaucoup, beaucoup à dire de tout cela...
Bon. C'est pas tout, mais comme je vois que tout le monde ou presque a laissé tomber la lecture, je m'en vais me cuisiner une omelette aux oeufs.